TikTok déploie 53 modérateurs locaux contre la désinformation pour les élections en Tchéquie

Face aux élections législatives tchèques, TikTok renforce sa lutte contre la désinformation avec une task force locale de 53 modérateurs dans un pays particulièrement vulnérable aux influences russes.

TikTok déploie 53 modérateurs locaux contre la désinformation pour les élections en Tchéquie
Photo by Jonathan Kemper / Unsplash

Face aux élections législatives tchèques d'octobre 2025, TikTok prend les devants. La plateforme vient d'annoncer le déploiement de 53 modérateurs spécialisés en République Tchèque, une initiative qui s'inscrit dans une stratégie plus vaste de lutte contre la manipulation de l'information électorale en Europe centrale.

L'Europe centrale, laboratoire de la désinformation

Les pays d'Europe centrale constituent une cible privilégiée pour les campagnes de désinformation. Selon les données récentes, 45% des Tchèques ont été exposés à de fausses informations au premier trimestre 2024, un chiffre qui grimpe à 58% en Slovaquie voisine. Cette vulnérabilité n'est pas fortuite. Comme l'explique le Dr Péter Krekó, coordinateur de l'Observatoire hongrois des médias numériques, "la Russie a toujours été une sorte de laboratoire pour la désinformation et les récits pro-russes".

Le directeur du Service de renseignement civil tchèque, Michal Koudelka, ne cache pas son inquiétude. Il a explicitement averti que les élections législatives d'automne constitueront "une cible privilégiée pour la diffusion de fausses informations en ligne". La République Tchèque figure, avec la Roumanie et la Moldavie, parmi les États prioritairement visés par "des opérations de subversion, d'infiltration et d'information" d'origine russe.

Une task force électorale aux multiples facettes

L'initiative déployée par TikTok ne se limite pas à l'embauche de modérateurs. Piotr Żaczek, responsable de la communication pour l'Europe centrale, a annoncé la création d'une véritable "task force électorale" qui réunit des experts en désinformation, cybersécurité et intégrité électorale.

Cette équipe opère sur trois fronts : détection des contenus trompeurs, signalement des vidéos politiques générées par IA, et surveillance des influenceurs politiques. La plateforme maintient des restrictions strictes concernant la publicité politique, interdisant formellement "la promotion politique rémunérée, la publicité politique ou la collecte de fonds par des responsables politiques et des partis".

L'intelligence artificielle représente à la fois une menace et une solution. TikTok exige désormais que les créateurs signalent clairement les contenus générés par IA, tout en utilisant ses propres algorithmes pour identifier automatiquement ces contenus. La technologie de modération automatisée supprime aujourd'hui 80% des vidéos violentes, contre 62% l'année précédente.

Les leçons roumaines

Cette initiative tchèque s'inspire directement de l'expérience roumaine. L'annulation des élections présidentielles roumaines en décembre 2024, suite à des soupçons d'ingérence via TikTok, a sonné comme un avertissement pour toute l'Europe. Le candidat d'extrême-droite Călin Georgescu, qualifié de "pro-Kremlin" par ses détracteurs, avait créé la surprise en remportant le premier tour grâce, selon les autorités, à une campagne illicite sur TikTok suivie par près de 10 millions de personnes.

En réponse, TikTok a mis en place un "centre électoral" pour les nouvelles élections roumaines de mai 2025. La plateforme s'est engagée à collaborer étroitement avec les autorités nationales et les organismes de fact-checking. Cette expérience a également activé le système d'alerte rapide de l'UE, permettant aux signataires du code de pratique sur la désinformation de signaler directement à TikTok les contenus problématiques.

Un défi à l'échelle européenne

L'initiative tchèque s'inscrit dans le cadre plus large du Digital Services Act (DSA) européen, qui impose aux grandes plateformes des obligations renforcées en matière de lutte contre la désinformation. Depuis décembre 2024, TikTok fait l'objet d'une surveillance accrue, notamment suite aux controverses entourant les élections roumaines et irlandaises.

Les résultats restent mitigés. Un test mené par l'ONG Global Witness en mai 2024 a révélé des failles préoccupantes : sur 14 vidéos contenant de fausses informations sur les élections irlandaises, trois ont été approuvées en anglais et huit en irlandais. Ces résultats contrastent avec les performances de YouTube, qui a bloqué 14 des 16 publicités testées, et de X, qui a filtré l'ensemble des contenus problématiques.

L'IA, menace et solution

L'évolution des techniques de désinformation complexifie considérablement la tâche des modérateurs. Les campagnes sophistiquées utilisent désormais VPN, adresses IP locales et outils de synthèse vocale pour créer des contenus trompeurs dans les langues des pays ciblés. Un réseau russe démantelé en 2023 avait ainsi touché plus de 133 000 personnes en Allemagne, Italie et Grande-Bretagne.

Les chiffres donnent le vertige : en 2022, une vidéo sur cinq sur TikTok contenait des informations erronées. Cette proportion massive explique pourquoi l'automatisation est devenue indispensable, le ratio entre modérateurs humains et utilisateurs atteignant 1 pour 22 000 chez TikTok, contre 1 pour 120 000 chez X.

Malgré ces défis, TikTok peut se targuer de quelques succès. Au cours des élections européennes de 2024, la plateforme a supprimé plus de 96% des contenus désinformatifs de manière proactive, avant même qu'ils ne soient signalés. Plus impressionnant encore : 80% de ces contenus ont été bloqués avant de recevoir une seule vue.

Un combat permanent

L'initiative de TikTok en République Tchèque représente une avancée significative, mais son efficacité dépendra de sa mise en œuvre concrète face à des techniques de manipulation en constante évolution. La coordination entre plateformes, autorités nationales et organismes de fact-checking reste la clé pour préserver l'intégrité du processus démocratique tchèque.