Microsoft s'engage à préserver l'accès aux services cloud pour l'Europe
Microsoft s'engage à garantir l'accès à ses services cloud pour l'Europe malgré les tensions géopolitiques et renforce son infrastructure sur le continent.

Face aux tensions géopolitiques croissantes, Microsoft prend les devants pour rassurer ses clients européens. Brad Smith, président de la firme de Redmond, a récemment dévoilé un ensemble de mesures visant à garantir la continuité des services cloud de l'entreprise sur le continent, même en cas de différend avec Washington.
Un engagement dans un contexte tendu
Les récentes actions de l'administration américaine—notamment la suspension brutale de l'aide militaire à l'Ukraine—ont ravivé les inquiétudes européennes concernant leur dépendance aux infrastructures numériques américaines. Cette situation a mis en lumière la vulnérabilité du continent européen face aux décisions unilatérales de Washington, particulièrement dans le domaine technologique où les relations transatlantiques traversent une période trouble.
Microsoft, dont les services Azure représentent environ 25% de ses activités mondiales, a choisi une approche diplomatique plutôt que confrontationnelle. Contrairement à d'autres géants technologiques américains qui ont adopté des positions plus adversariales face aux initiatives réglementaires européennes, l'entreprise de Redmond cherche à apaiser les tensions.
Des garanties concrètes pour l'autonomie numérique
Pour répondre aux préoccupations légitimes des clients et régulateurs européens, Microsoft a dévoilé plusieurs mesures significatives. Brad Smith s'est engagé à augmenter de 40% la capacité des centres de données de l'entreprise en Europe au cours des deux prochaines années et à étendre ses opérations dans 16 pays européens. Cette annonce intervient toutefois après des signaux contradictoires, puisqu'en mars dernier, Reuters rapportait que Microsoft semblait revenir sur ses plans d'expansion en Europe, invoquant des préoccupations liées à la surcapacité pour les besoins en intelligence artificielle.
Plus remarquable encore, l'entreprise promet de contester, y compris par voie judiciaire si nécessaire, toute tentative du gouvernement américain visant à restreindre l'accès à ses plateformes pour les clients européens. Microsoft a également annoncé que son infrastructure cloud et ses opérations en Europe seront désormais supervisées par un conseil d'administration européen et fonctionneront sous le régime juridique européen.
Le dilemme européen face à la souveraineté numérique
De son côté, l'Europe ne reste pas inactive. La Commission européenne a fixé l'objectif ambitieux de tripler la capacité des centres de données de l'UE au cours des cinq à sept prochaines années. Cette stratégie s'inscrit dans une volonté plus large de rester compétitif dans le développement de l'intelligence artificielle tout en garantissant une souveraineté sur les infrastructures numériques essentielles.
Le défi pour les décideurs européens est considérable : faut-il privilégier les solutions américaines généralement plus avancées et économiques, ou investir massivement dans des alternatives européennes pour garantir l'indépendance numérique du continent? Les positions se durcissent, avec des voix qui s'élèvent pour exclure les entreprises américaines des marchés publics européens, notamment après les critiques et menaces formulées par l'administration américaine.
Les failles du cadre juridique transatlantique
Le système actuel de transfert de données entre l'UE et les États-Unis montre ses limites dans ce climat de tension. Le droit européen restreint depuis 1995 l'exportation de données personnelles vers des pays n'offrant pas une protection "essentiellement équivalente" à celle de l'UE. Or, les législations américaines comme la section 702 du Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA) et l'ordre exécutif 12.333 accordent au gouvernement américain un accès étendu aux données stockées par les géants technologiques américains.
Pour tenter de résoudre cette situation, la Commission européenne a introduit en 2023 le Transatlantic Data Privacy Framework (TADPF), permettant aux entreprises européennes de transférer librement des données vers des fournisseurs américains. Cependant, ce cadre a été fragilisé quand, fin janvier 2025, le président américain a révoqué trois membres démocrates du Privacy and Civil Liberties Oversight Board (PCLOB), l'organisme chargé de superviser cet arrangement.
Le CLOUD Act américain de 2019 complique encore davantage la situation. Cette législation confère aux autorités américaines le pouvoir de demander des données stockées par la plupart des principaux fournisseurs de cloud, même si elles se trouvent en dehors des États-Unis, ce qui entre potentiellement en conflit avec le RGPD européen.
Un équilibre fragile à maintenir
L'initiative de Microsoft illustre à quel point l'industrie technologique tente de s'adapter à un paysage géopolitique en mutation rapide. Les engagements de l'entreprise témoignent d'une volonté d'apaisement, mais la véritable autonomie numérique européenne nécessitera probablement des mesures plus structurelles.
Entre dépendance technologique et souveraineté numérique, l'Europe navigue dans des eaux incertaines. Les promesses de Microsoft pourraient bien constituer un modèle pour d'autres géants technologiques américains soucieux de préserver leurs marchés européens dans un contexte géopolitique tendu.
Comments ()