Meta : nos conversations avec l'IA, carburant de la pub de demain

Meta va analyser vos conversations avec son IA pour personnaliser les pubs sur Facebook et Instagram dès décembre 2025. Une politique sans option de refus qui pose question.

Meta : nos conversations avec l'IA, carburant de la pub de demain

Vos discussions les plus banales avec l'assistant de Meta sur la randonnée ou votre prochain projet de bricolage ne seront bientôt plus de simples échanges. Elles deviendront une information précieuse pour affiner les publicités qui peuplent vos fils Facebook et Instagram. L'entreprise a confirmé qu'à partir du 16 décembre 2025, le contenu de ces conversations sera intégré à son redoutable système de ciblage publicitaire. Une décision qui brouille encore un peu plus la frontière entre service et surveillance.

Une collecte de données étendue, du chatbot aux lunettes connectées

La nouvelle politique de Meta ne se limite pas aux simples requêtes textuelles ou vocales adressées à son assistant "Meta AI". L'entreprise a adopté une approche extensive : tout ce que vous direz ou créerez via son écosystème d'intelligence artificielle sera potentiellement analysé. Cela inclut les interactions avec les lunettes connectées Ray-Ban Meta, les contenus vidéo générés par l'outil "Vibes" et les images créées avec la fonction "Imagine". Selon une publication du blog officiel de Meta pour les entreprises, l'objectif est de rendre la publicité "plus pertinente". Si vous demandez à l'IA des recettes de cuisine italienne, ne soyez pas surpris de voir apparaître des publicités pour des cours de cuisine ou des marques de pâtes.

"Le système traitera les interactions avec l'IA de la même manière que les autres activités sur la plateforme."

Concrètement, l'analyse de ces conversations viendra enrichir le profil que Meta détient déjà sur chaque utilisateur, profil jusqu'ici principalement bâti sur les "likes", les partages, les groupes rejoints et l'historique de navigation.

Le "consentement forcé", une posture qui défie l'Europe

Le point le plus sensible de cette annonce réside dans l'absence d'alternative pour l'utilisateur. Meta informera les utilisateurs de ce changement via une notification à partir du 7 octobre, mais ne proposera pas de mécanisme de refus (opt-out). Cette approche du "à prendre ou à laisser" entre en collision frontale avec la philosophie du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en Europe. Comme le rappelle l'avocat spécialisé en droit du numérique, Maître Arnaud Dimeglio, dans une analyse pour le cabinet Lexing, le consentement doit être "libre, spécifique, éclairé et univoque". Imposer la collecte de données conversationnelles comme condition d'utilisation du service pourrait être qualifié de consentement forcé, une pratique déjà sanctionnée par le passé.

Les régulateurs européens, notamment l'autorité irlandaise de protection des données (le principal interlocuteur de Meta en Europe), sont déjà saisis de nombreuses plaintes concernant les pratiques de l'entreprise. Cette nouvelle politique pourrait bien ajouter une nouvelle pièce à un dossier déjà chargé et potentiellement mener à des enquêtes approfondies.

Un pari risqué face à une concurrence plus prudente

En choisissant de monétiser aussi directement les conversations, Meta se distingue de ses principaux rivaux. Actuellement, ni Google pour Gemini ni OpenAI pour ChatGPT n'utilisent le contenu des conversations des utilisateurs de leurs versions grand public pour le ciblage publicitaire. Leur modèle repose principalement sur les abonnements payants pour les versions avancées. Dans ses règles de confidentialité, OpenAI précise explicitement ne pas utiliser les données des clients de son API ou de ses offres "Business" pour entraîner ses modèles, et encore moins pour la publicité.

Meta fait donc un pari audacieux, et risqué. L'entreprise espère que l'amélioration de la pertinence publicitaire se traduira par des revenus suffisants pour compenser le coût de développement de ses IA et le risque juridique et d'image associé à cette collecte de données toujours plus intrusive. Seul l'avenir dira si les utilisateurs, et surtout les régulateurs, accepteront que leurs pensées, même adressées à une machine, deviennent une marchandise comme les autres.