MasOrange et Endesa : un pacte solaire pour un réseau plus vert
Signature d'un VPPA entre MasOrange et Endesa. Au-delà des chiffres, comment ce pacte s'inscrit-il dans la course à l'énergie verte des télécoms ?

MasOrange, poids lourd des télécoms espagnoles né de la fusion entre Orange et Masmovil, a officialisé un partenariat énergétique avec le géant Endesa. Derrière l'annonce d'un approvisionnement en énergie verte et une baisse des émissions de CO2 se cache un montage financier sophistiqué et une stratégie qui s'inscrit dans une course à la décarbonation où aucun acteur du secteur ne veut être laissé pour compte.
Plus qu'un contrat, un instrument financier pour garantir le prix de l'énergie verte
Au cœur de l'accord se trouve un PPA, ou Power Purchase Agreement, d'une durée de dix ans portant sur 100 GWh/an. Fait notable, il s'agit d'un PPA virtuel (VPPA). Contrairement à un PPA physique où l'électricité produite par une centrale dédiée est acheminée vers le consommateur, le VPPA est un contrat purement financier. MasOrange continuera de s'alimenter sur le réseau électrique espagnol classique. En parallèle, l'opérateur et Endesa s'accordent sur un prix fixe pour l'électricité renouvelable.
Le mécanisme fonctionne comme une couverture financière. Selon des explications fournies par des experts du secteur comme TotalEnergies, si le prix du marché de l'électricité dépasse le prix fixé dans le contrat, Endesa verse la différence à MasOrange. Inversement, si le prix de marché est plus bas, MasOrange compense Endesa. Pour l'opérateur, l'avantage est double : il bénéficie d'une visibilité à long terme sur ses coûts énergétiques et acquiert les "Garanties d'Origine" associées à la production, certifiant que l'équivalent de sa consommation est injecté en énergie verte sur le réseau. Pour Endesa, ce type de contrat offre une garantie de revenus qui est souvent décisive pour financer la construction de nouvelles centrales solaires.
Une pièce dans le puzzle "Net Zéro 2040" d'Orange
Cet accord n'est pas une initiative isolée, mais une brique supplémentaire dans l'édifice de la stratégie environnementale du groupe Orange. L'entreprise s'est fixé un objectif ambitieux : atteindre la neutralité carbone ("Net Zéro") sur l'ensemble de sa chaîne de valeur (scopes 1, 2 et 3) d'ici 2040, soit dix ans avant la plupart des acteurs du secteur.
Le groupe Orange vise une réduction de 45% de ses émissions de CO2 sur les scopes 1 et 2 d'ici 2030 par rapport à 2020.
Pour y parvenir, la maison mère a déjà recours à des PPA dans plusieurs pays. En Espagne, un accord significatif avait déjà été signé avec Iberdrola, et un autre en France avec Boralex pour de l'énergie éolienne. Ce nouveau contrat avec Endesa permet donc à la nouvelle entité MasOrange de s'aligner sur cette trajectoire, en sécurisant une part de son approvisionnement en Espagne, un marché crucial et très énergivore pour ses réseaux fixes et mobiles. La contribution de 26 000 tonnes de CO2 évitées par an est donc à lire à l'aune de cet objectif global "Net Zero Carbon".
Une course à la décarbonation dans les télécoms espagnoles
Il serait toutefois erroné de présenter MasOrange comme un pionnier isolé. L'opérateur s'inscrit en réalité dans une tendance de fond où ses principaux concurrents ont déjà pris des positions fortes. Telefónica, l'opérateur historique, affirme que 100% de sa consommation électrique en Espagne est d'origine renouvelable depuis 2018. L'entreprise a également lancé, en partenariat avec Repsol, une coentreprise nommée Solar360 dédiée à l'installation de panneaux solaires pour l'autoconsommation chez les particuliers et les entreprises. De son côté, Vodafone s'est engagé au niveau européen à ce que son réseau soit alimenté par une électricité 100% renouvelable. La signature de ce PPA est donc moins une révolution qu'une nécessité stratégique pour MasOrange afin de rester crédible sur ses engagements environnementaux face à une concurrence déjà très avancée.
L'autoconsommation : le défi logistique des 400 micro-centrales
Le second volet de l'accord, le déploiement de 400 installations solaires pour l'autoconsommation, est peut-être le plus complexe sur le plan opérationnel. Ces panneaux seront installés sur des sites techniques comme les toits de centraux téléphoniques, stations de base mobiles, ou autres infrastructures réseau. Si l'idée de produire l'énergie là où elle est consommée est séduisante, elle représente un défi logistique considérable. Chaque site présente des contraintes uniques d'espace, d'ensoleillement et de raccordement. La gestion et la maintenance d'un parc de 400 micro-centrales réparties sur le territoire exigeront une expertise spécifique. Cet effort contribuera à réduire la dépendance au réseau, notamment lors des pics de consommation, et à maîtriser une partie des coûts, mais sa mise en œuvre sera un projet industriel à part entière.
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