L’Union européenne refuse d’assouplir la consolidation des opérateurs télécoms
L’UE maintient sa ligne stricte contre la consolidation des opérateurs télécoms, malgré la pression d’Orange, Vodafone ou Deutsche Telekom.
La Commission européenne a confirmé son refus d’assouplir les règles de fusion-acquisition dans le secteur des télécommunications, malgré la pression des grands opérateurs du continent. Ces derniers réclament depuis plusieurs mois une réforme du cadre antitrust pour leur permettre de se regrouper et renforcer leur capacité d’investissement dans la 5G et la fibre.
Les opérateurs européens dénoncent une fragmentation excessive
Dans une lettre adressée à Ursula von der Leyen le 28 octobre 2025, les dirigeants de Deutsche Telekom, Orange, Vodafone, Telefónica, Nokia et Ericsson ont demandé à la Commission de revoir sa politique de concurrence.
Leur argument principal : le marché européen reste trop fragmenté, avec plus de 100 opérateurs pour une population équivalente à celle des États-Unis ou de la Chine, où les acteurs majeurs opèrent à une échelle beaucoup plus vaste.
Selon ces groupes, cette fragmentation freine les investissements dans les réseaux de nouvelle génération et limite leur compétitivité mondiale. Les opérateurs estiment qu’une consolidation de 4 à 3 opérateurs sur un même marché national permettrait de mutualiser les coûts d’infrastructure, d’accélérer le déploiement de la fibre et d’améliorer la couverture 5G.
Bruxelles maintient une ligne antitrust stricte
La réponse européenne, exprimée le 29 octobre par Guillaume Loriot, directeur général adjoint de la direction de la concurrence, a été sans équivoque :
« L’objet du contrôle des fusions n’est pas l’échelle en soi, mais le pouvoir de marché. »
Autrement dit, la Commission ne bloque pas la croissance ou les fusions transfrontalières par principe, mais elle s’oppose aux opérations qui réduiraient significativement la concurrence nationale.
Les autorités européennes craignent qu’une consolidation trop rapide entraîne des hausses de prix et une baisse de l’innovation au détriment des consommateurs.
L’institution se montre toutefois ouverte à des ajustements du cadre, notamment pour faciliter les fusions transfrontalières ou les partenariats techniques entre opérateurs sur des segments non concurrentiels (partage d’infrastructures, roaming, R&D).
Un secteur en attente d’un nouveau cadre réglementaire
Les discussions s’inscrivent dans un contexte plus large : la préparation du Digital Networks Act, attendu en novembre 2025. Ce texte pourrait redéfinir les priorités d’investissement dans les réseaux numériques et introduire des critères plus favorables aux économies d’échelle.
Les opérateurs espèrent que cette réforme assouplira les lignes directrices européennes en matière de fusion, sans quoi certaines ambitions de rapprochement pourraient être abandonnées. Mais la Commission réaffirme que toute évolution devra préserver la dynamique concurrentielle et le pouvoir d’achat des utilisateurs.
Des enjeux majeurs pour la souveraineté numérique européenne
Derrière la bataille réglementaire, c’est la souveraineté numérique de l’Europe qui se joue. Les télécoms sont un pilier stratégique pour les infrastructures critiques et la sécurité des données.
Une Europe trop fragmentée pourrait dépendre davantage des acteurs non européens pour ses équipements, ses logiciels et ses réseaux. À l’inverse, une consolidation mal encadrée risquerait de concentrer un pouvoir excessif entre quelques groupes.
Le défi pour Bruxelles sera donc d’arbitrer entre deux impératifs : préserver la concurrence tout en favorisant des champions capables d’investir massivement dans les réseaux du futur.
Vers un compromis sous le Digital Networks Act ?
La position actuelle de la Commission n’exclut pas une évolution. Le Digital Networks Act pourrait introduire de nouveaux critères d’évaluation des fusions, privilégiant les gains d’efficacité, l’innovation et la résilience des réseaux plutôt que le seul nombre d’opérateurs. Les prochaines semaines seront décisives pour savoir si l’Europe choisit la consolidation contrôlée ou la défense stricte de la concurrence.
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