La Commission européenne étudie un passage d'Azure vers OVHcloud
La Commission européenne étudie le passage d'Azure à OVHcloud pour ses services cloud, marquant un tournant vers la souveraineté numérique.

L'Europe pourrait bientôt tourner le dos à Microsoft Azure. La Commission européenne examine actuellement la possibilité de migrer ses services cloud vers OVHcloud, le champion français du cloud computing. Cette démarche témoigne d'une volonté croissante de reconquérir la souveraineté numérique européenne, face à la domination écrasante des géants technologiques américains.
Quand l'Oncle Sam met la main sur les données européennes
Cette réflexion stratégique ne sort pas de nulle part. L'Europe subit depuis des années l'hégémonie des hyperscalers américains : Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud se partagent 70 à 80% du marché européen du cloud. Cette situation expose les données européennes aux lois extraterritoriales américaines, notamment le redoutable CLOUD Act, qui permet aux autorités américaines d'accéder aux données européennes stockées par des entreprises américaines.
Un incident récent a fait l'effet d'un électrochoc : un décret américain a provoqué l'arrêt brutal des services Microsoft pour un employé d'une institution européenne. Difficile de faire plus concret pour illustrer les vulnérabilités de cette dépendance technologique.
Le cloud souverain, ou comment garder ses données chez soi
Un cloud souverain fonctionne comme un coffre-fort numérique européen. Les données restent sous juridiction européenne, à l'abri de toute ingérence extraterritoriale. Les critères sont stricts : hébergement des données dans l'UE, personnel européen exclusivement pour l'accès aux données, et absence totale de contrôle par une entité étrangère soumise à des lois extraterritoriales.
OVHcloud coche toutes ces cases. Certifié SecNumCloud par l'ANSSI française, le fournisseur français garantit que ses équipes américaines n'ont aucun lien technique ou hiérarchique avec ses opérations européennes. Une barrière étanche qui empêche les autorités américaines d'utiliser la filiale américaine comme porte d'entrée vers les données européennes.
Des négociations discrètes mais prometteuses
Les discussions entre la Commission européenne et OVHcloud sont confirmées. Benjamin Revcolevschi, PDG d'OVHcloud, assure que son entreprise peut techniquement héberger toutes les données institutionnelles européennes au même niveau de service qu'Azure. Une déclaration qui résonne particulièrement alors que plusieurs députés européens questionnent la cohérence entre les ambitions de souveraineté numérique de l'UE et ses choix technologiques actuels.
Mathilde Androuët, députée européenne, a notamment interpellé la Commission sur sa décision de confier ses solutions cloud à Microsoft et ServiceNow plutôt qu'à des alternatives européennes comme OVHcloud ou T-Systems. Une question qui embarrasse visiblement Bruxelles.
L'Europe contre-attaque
L'Union européenne multiplie les initiatives pour reprendre la main. Le projet GAIA-X, malgré ses lenteurs bureaucratiques, pose les bases d'une fédération d'infrastructures cloud européennes. La certification EUCS (European Union Certification Scheme) impose des standards européens stricts pour les fournisseurs de cloud.
L'initiative EuroStack, qui rassemble plus de 80 entreprises technologiques européennes dont Airbus et OVHcloud, plaide pour une "action radicale" contre la dépendance aux infrastructures numériques étrangères. La Commission prépare également un Cloud and AI Development Act qui pourrait donner un accès préférentiel aux fournisseurs européens dans les marchés publics.
Microsoft joue la carte de l'apaisement
Face à cette offensive européenne, Microsoft ne reste pas les bras croisés. En juin 2025, l'entreprise a renforcé son offre "Sovereign Public Cloud" en Europe, promettant que seuls ses employés européens contrôleraient l'accès distant à ses centres de données européens. Un engagement qui s'accompagne du développement de centres de données dans 16 pays européens.
Microsoft a également signé la paix avec ses détracteurs européens. En juillet 2024, l'entreprise a conclu un accord avec l'association CISPE et OVHcloud pour mettre fin aux plaintes antitrust concernant ses pratiques de licences cloud. L'accord comprend des compensations financières et des engagements sur l'interopérabilité.
Vers une révolution du cloud européen
Cette réflexion de la Commission européenne marque un tournant décisif. Au-delà des considérations techniques, elle révèle une volonté politique ferme de reprendre le contrôle des infrastructures critiques européennes. Si les négociations avec OVHcloud aboutissent, elles pourraient créer un précédent majeur et encourager d'autres institutions européennes à privilégier des solutions souveraines.
L'Europe semble enfin prête à jouer ses propres cartes dans la partie du cloud computing. Pour connaître les derniers développements de la stratégie numérique européenne, consultez les publications officielles de la Commission européenne.
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