Huawei visé par une enquête de corruption à Bruxelles

Scandale Huawei : cinq eurodéputés soupçonnés de corruption pour influencer la politique 5G européenne. La bataille tech fait rage.

Huawei visé par une enquête de corruption à Bruxelles
© Nicolas Tucat, AFP

L'Europe découvre un nouveau scandale qui fait trembler les institutions. Cinq eurodéputés se retrouvent dans le collimateur de la justice belge pour des soupçons de corruption impliquant Huawei, le géant chinois des télécoms. Révélée en mars 2025, cette affaire résonne comme un écho troublant du "Qatargate" et met en lumière les dessous parfois troubles de la bataille technologique autour de la 5G.

Quand la tech rencontre la géopolitique

Imaginez un gigantesque jeu d'échecs où chaque antenne 5G devient un pion stratégique. Depuis 2019, l'Europe joue cette partie délicate entre sa soif de technologies performantes et ses craintes sécuritaires. Huawei, mastodonte chinois des télécoms, trône au centre de l'échiquier.

Le paradoxe est saisissant : Bruxelles pointe du doigt l'entreprise comme "le risque le plus élevé" en 2023, mais un tiers des sites 5G européens continuent de faire tourner des équipements chinois. Une schizophrénie technologique révélatrice des enjeux économiques colossaux.

Face à cette résistance du terrain, Huawei a déployé son artillerie lourde : plus de 2 millions d'euros annuels investis dans le lobbying bruxellois. Think tanks, associations industrielles, groupes d'influence... L'entreprise tisse sa toile avec la patience d'un stratège chinois millénaire.

L'art délicat de l'influence "made in China"

Comment acheter des consciences européennes sans se faire prendre ? Huawei pensait avoir trouvé la recette parfaite. Depuis 2021, l'entreprise a orchestré un ballet sophistiqué de corruption, comme un chef d'orchestre dirigeant une symphonie de l'influence.

Le maestro de cette opération s'appelle Valerio Ottati. Ancien assistant parlementaire devenu directeur des affaires publiques de Huawei, il connaît les couloirs de Bruxelles comme sa poche. Dix ans dans l'écosystème européen lui ont offert un carnet d'adresses en or et une connaissance intime des rouages institutionnels.

Son mode opératoire ? Transformer des événements officiels en opérations de corruption sophistiquées. Un art de la dissimulation qui aurait fait pâlir d'envie les espions de la guerre froide.

Le menu de la corruption version Huawei :

  • Rémunérations directes contre positions favorables
  • Smartphones dernier cri
  • Billets VIP pour matches de football
  • Virements discrets de quelques milliers d'euros
  • Frais de bouche et voyages d'agrément

Problème : ces petits cadeaux violaient allègrement le code de conduite européen qui impose de déclarer tout présent supérieur à 150 euros. Détail technique qui semble avoir échappé aux protagonistes de cette histoire.

Cinq députés dans l'œil du cyclone

La liste des invités à cette soirée peu recommandable ? Cinq eurodéputés aux profils variés : Daniel Attard (Malte, social-démocrate), Nikola Minchev (Bulgarie, libéral), et trois Italiens du camp conservateur : Salvatore De Meo, Fulvio Martusciello et Giusi Princi.

Face à la tempête médiatique, quatre d'entre eux ont choisi la carte de la transparence. Sortir du bois avant d'être découvert, stratégie risquée mais plus élégante que le déni obstiné qui avait caractérisé le Qatargate. Salvatore De Meo jure ses grands dieux n'avoir "jamais pris position en faveur de Huawei", ni par lettres, ni par amendements, ni par quelque activité législative que ce soit.

Mars 2025 : la descente de police spectaculaire

Quand les enquêteurs belges décident de passer à l'action, ils ne font pas dans la demi-mesure. Une centaine d'agents déployés, 21 perquisitions simultanées en Belgique, trois autres au Portugal, et même une arrestation en France grâce à un mandat d'arrêt européen. De quoi faire trembler les couloirs de Bruxelles et Strasbourg.

Le clou du spectacle ? Les bureaux de deux assistants parlementaires scellés comme des scènes de crime. L'image symbolise parfaitement l'ampleur présumée de cette toile d'araignée européenne.

Quand l'Europe panique et ferme les portes

Réaction immédiate de Bruxelles : panique institutionnelle et mesures d'urgence. Le Parlement européen et la Commission claquent la porte au nez des neuf représentants accrédités de Huawei. Symbolique forte, efficacité relative.

Cette affaire tombe au pire moment pour l'autonomie technologique européenne. L'Allemagne a déjà annoncé la couleur : exit Huawei et ZTE d'ici fin 2026. Mais Berlin reste un électron libre face à des voisins européens encore dépendants des équipements chinois.

Le vrai enjeu : qui contrôle les tuyaux de la 5G ?

Derrière cette bataille juridique se cache une guerre technologique silencieuse mais implacable. Chaque antenne 5G représente un nerf du système nerveux numérique européen. Laisser un concurrent géopolitique contrôler cette infrastructure revient à confier les clés de sa maison à un inconnu.

L'ironie de la situation ? Malgré tous les avertissements officiels, un tiers des sites 5G européens fonctionnent encore avec de la technologie chinoise. Entre pragmatisme économique et paranoia sécuritaire, l'Europe peine à trancher.

Le système européen à l'épreuve de ses failles

Cette nouvelle crise révèle un système de contrôle éthique européen qui ressemble à un gruyère suisse, joli à regarder, mais plein de trous. Malgré les grandes promesses post-Qatargate, l'organe d'éthique indépendant tant promis brille par son absence, enlisé dans les querelles politiques.

Alberto Alemanno, professeur de droit européen à HEC Paris, ne mâche pas ses mots : le système actuel est "conçu pour ne pas fonctionner". Traduction libre : quand les députés se surveillent eux-mêmes, c'est un peu comme demander au renard de garder le poulailler.

L'épineux problème du cumul des mandats

Autre faille béante : les eurodéputés peuvent légalement cumuler leur mandat avec des revenus annexes, y compris pour du conseil auprès d'organisations qui... font du lobbying. L'art de jouer sur les deux tableaux, version légale mais moralement discutable.

Daniel Freund, eurodéputé vert allemand, pointe du doigt les conservateurs du PPE qui bloquent les réformes. Pendant ce temps, les tentatives d'influence étrangères continuent de prospérer dans ce vide réglementaire.

Le moment de vérité pour l'Europe

Cette affaire Huawei n'est pas qu'un énième scandale de corruption, c'est un révélateur des fragilités européennes face aux géants technologiques mondiaux. L'issue de cette procédure de levée d'immunité déterminera si l'Europe peut vraiment protéger ses institutions démocratiques ou si elle restera vulnérable aux tentatives d'influence étrangères dans la course technologique mondiale.