Google lance Sol : la bataille des câbles sous-marins s'intensifie
Google lance Sol, son câble sous-marin transatlantique. Les géants tech dominent désormais 70% des projets, soulevant des enjeux géopolitiques.

Google lance Sol : la bataille des câbles sous-marins s'intensifie
Google vient d'annoncer Sol, son nouveau câble sous-marin transatlantique qui reliera la Floride à l'Espagne en passant par les Bermudes et les Açores. Cette infrastructure, qui entrera en service en 2030, illustre la course effrénée que se livrent les géants technologiques pour contrôler les autoroutes numériques mondiales.
Le projet Sol s'inscrit dans une stratégie d'expansion massive de Google, qui possède déjà 33 câbles déployés ou en projet à travers le monde. Cette annonce intervient alors que 99% du trafic Internet intercontinental transite par ces infrastructures invisibles, véritables nerfs du système numérique mondial.
Une technologie de pointe adaptée aux abysses
Les câbles sous-marins modernes représentent un concentré technologique impressionnant. Mesurant environ 10 centimètres de diamètre pour un poids de 10 kilos par mètre, ces géants des profondeurs résistent aux conditions extrêmes des fonds océaniques.
Leur architecture multicouche protège soigneusement les fibres optiques : gaine extérieure de protection, armature métallique, gaine isolante et enfin les précieuses fibres qui transportent l'information sous forme d'impulsions lumineuses. Chaque fibre peut véhiculer jusqu'à 160 couleurs différentes, multipliant exponentiellement les capacités de transmission.
Des répéteurs alimentés électriquement depuis les stations d'atterrissage amplifient le signal tous les 100 kilomètres. Cette infrastructure offre des performances exceptionnelles : latence ultra-faible de 60 à 90 millisecondes selon la distance, contre 240 millisecondes pour un satellite géostationnaire. Le câble Grace Hopper de Google atteint ainsi 340 téraoctets par seconde, tandis que le projet Anjana de Meta promet 480 téraoctets par seconde.
L'hégémonie des géants technologiques
Le secteur connaît une transformation radicale depuis une décennie. Longtemps dominé par les opérateurs de télécommunications traditionnels, il passe désormais sous le contrôle des géants technologiques américains. Google devance largement ses concurrents avec 33 câbles, suivi par Meta et ses 16 projets.
Cette mutation s'explique par l'explosion des besoins en données des services cloud, streaming et intelligence artificielle. Les GAFAM représentent désormais 70% des nouveaux projets. Google déploie un réseau tentaculaire comprenant Grace Hopper vers l'Europe, Firmina vers l'Amérique du Sud, Equiano vers l'Afrique, et bientôt Sol et Nuvem.
Cette stratégie d'internalisation présente plusieurs avantages : réduction des coûts de location, contrôle total de l'infrastructure, optimisation des performances et positionnement stratégique face aux enjeux géopolitiques. Meta développe par exemple Waterworth, un câble de 50 000 kilomètres qui contournera l'Europe pour relier directement l'Asie aux États-Unis via l'Afrique.
Enjeux géopolitiques et vulnérabilités critiques
Ces infrastructures sont devenues un enjeu géopolitique majeur, transportant plus de 10 000 milliards de dollars de transactions financières quotidiennes. Cette dépendance critique soulève des questions de souveraineté numérique, particulièrement pour l'Europe qui se trouve progressivement dépendante des infrastructures privées américaines.
Les vulnérabilités sont multiples : sabotages délibérés, accidents de navigation, activités de pêche, catastrophes naturelles et défaillances techniques. En 2024, quatre câbles ont été sectionnés en mer Rouge, affectant 25% du trafic entre l'Asie et l'Europe. Ces incidents révèlent la fragilité d'un système dont dépend l'économie mondiale.
La France occupe une position stratégique particulière dans cette architecture. Marseille constitue un hub numérique majeur avec 14 câbles sous-marins atterrissant sur ses côtes, connectant l'Europe à l'Afrique, au Moyen-Orient et à l'Asie. Cette position géographique privilégiée fait de la France un acteur incontournable du transit numérique mondial.
Applications concrètes et impact économique
Ces câbles sous-tendent l'économie numérique moderne : services cloud, transactions financières à haute fréquence, communications vidéo en temps réel et expansion de l'intelligence artificielle. L'industrie représente 14 milliards de dollars d'investissements annuels, contre 3 milliards dans les années 2000.
L'émergence de la 5G et des applications industrielles nécessite des infrastructures encore plus performantes. L'usine d'Alcatel Submarine Networks à Calais illustre cette évolution, utilisant la 5G pour optimiser ses processus de fabrication. Les projets futurs visent à supporter les besoins croissants en intelligence artificielle, qui demandent des capacités de transmission massives entre centres de données.
Cette révolution transforme les équilibres géographiques. Le Chili développe sa connectivité vers l'Asie-Pacifique grâce au câble Humboldt de Google, créant de nouvelles routes commerciales numériques. Le Vietnam investit massivement dans l'Asia Direct Cable pour améliorer sa connectivité régionale.
Le projet Sol de Google renforce l'hégémonie américaine sur les autoroutes numériques tout en soulignant l'importance stratégique de ces infrastructures invisibles. L'avenir s'annonce prometteur avec l'intégration de l'intelligence artificielle pour la maintenance prédictive, mais pose des défis inédits en termes de gouvernance et souveraineté technologique.
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