Google déclaré coupable : le séisme qui pourrait démanteler son empire publicitaire

La justice US déclare Google coupable de monopole publicitaire. Un verdict historique qui pourrait démanteler son empire et rebattre les cartes.

Google déclaré coupable : le séisme qui pourrait démanteler son empire publicitaire

La justice américaine a frappé fort. Le 17 avril 2025, la juge fédérale Leonie Brinkema a reconnu Google coupable d'avoir illégalement monopolisé le marché des technologies publicitaires en ligne. Cette décision historique pourrait contraindre le géant technologique à vendre une partie de son empire publicitaire, représentant une seconde défaite juridique majeure en moins d'un an.

L'étau se resserre sur le géant de la tech

L'affaire a débuté en janvier 2023 quand l'administration Biden a poursuivi Google devant un tribunal fédéral de Virginie. Après trois semaines d'audience en septembre 2024, la magistrate a conclu dans une décision de 115 pages que "Google s'est délibérément engagé dans une série d'actions anticoncurrentielles visant à acquérir et maintenir un pouvoir monopolistique" sur les marchés des serveurs publicitaires et des plateformes d'échange d'annonces.

Selon la juge, cette stratégie a "causé des dommages importants" aux éditeurs clients et aux consommateurs d'informations sur internet. Une conclusion qui pourrait bouleverser l'écosystème numérique tel que nous le connaissons.

Les racines d'un monopole tentaculaire

La fondation de ce monopole remonte à 2008, lorsque Google a acquis DoubleClick pour 3,1 milliards de dollars. Cette opération stratégique lui a permis d'atteindre 87% de parts de marché dans les technologies de vente publicitaire.

Si l'acquisition elle-même n'a pas été jugée illégale, c'est bien la manière dont Google a exploité ces technologies qui constitue une infraction au droit de la concurrence.

Un écosystème publicitaire sous contrôle total

Le cœur du problème réside dans l'omniprésence de Google à chaque étape du processus publicitaire numérique :

  • Le serveur publicitaire DoubleClick utilisé par les éditeurs
  • Les outils d'achat Google Ads et DV360 pour les annonceurs
  • La plateforme d'enchères AdX qui connecte acheteurs et vendeurs

Cette suite logicielle orchestrée procède à des enchères instantanées pour placer des publicités à chaque chargement de page web. "Google a un triple monopole", avait souligné Aaron Teitelbaum, représentant du ministère de la Justice, lors des audiences. L'entreprise joue simultanément le rôle de vendeur, d'acheteur et d'opérateur de la plateforme d'enchères – une position qui lui confère un avantage écrasant.

Cette activité s'est révélée particulièrement lucrative, générant 31 milliards de dollars en 2023, soit environ 10% du chiffre d'affaires global d'Alphabet, sa maison-mère. Ce positionnement stratégique a permis à Google d'imposer des prix artificiellement élevés et un partage des revenus désavantageux pour les éditeurs.

La mécanique d'une domination calculée

"Pendant plus d'une décennie, Google a lié son serveur de publication de publicités et ses plateformes d'échange à travers des clauses contractuelles et une intégration technologique", précise la juge dans sa décision. Ces pratiques ont permis à l'entreprise "d'établir et de protéger sa position monopolistique" dans ces deux marchés.

En plus de ces manœuvres, Google aurait consolidé son emprise en "imposant des politiques anticoncurrentielles à ses clients et en supprimant des fonctionnalités favorables de certains produits".

Des conséquences potentiellement révolutionnaires

Si Google a déjà annoncé son intention de faire appel, affirmant avoir "remporté la moitié de cette affaire" (l'entreprise a été blanchie concernant les plateformes d'achat publicitaire), les répercussions pourraient être considérables.

La juge a accordé sept jours aux parties pour soumettre un calendrier concernant la suite de la procédure, afin de déterminer les "remèdes" à cette situation monopolistique.

Le département de la Justice (DOJ) souhaite contraindre Google à céder au minimum Google Ad Manager, qui comprend son serveur publicitaire et son système d'échange d'annonces. Une telle décision provoquerait un bouleversement majeur dans l'industrie de la publicité en ligne.

Avant le procès, selon le Wall Street Journal, Google avait proposé de scinder ses activités publicitaires en plusieurs entités indépendantes mais toujours sous le contrôle d'Alphabet, une solution qui n'a visiblement pas convaincu les autorités.

Un contexte juridique plus large

Ce verdict s'inscrit dans une série d'actions contre Google, qui avait déjà été reconnu coupable en août 2024 d'abus de position dominante dans le domaine de la recherche en ligne. Dans cette affaire, les autorités ont exigé que l'entreprise se sépare de son navigateur Chrome et cesse ses accords avec les fabricants de smartphones pour l'installation par défaut de son moteur de recherche.

L'issue finale pourrait cependant être influencée par la nouvelle administration américaine. Le président Donald Trump avait laissé entendre en octobre qu'il n'était pas favorable au démantèlement de Google, estimant que cela désavantagerait les États-Unis sur la scène internationale.

Une nouvelle ère régulatoire pour les géants tech

Cette décision marque un tournant dans l'encadrement des géants numériques. "La marée antitrust s'est retournée contre Google et d'autres mastodontes de la publicité numérique", a commenté Evelyn Mitchell-Wolf, analyste principale chez Emarketer.

Le cas Google n'est pas isolé. Le procès antitrust de Meta (Facebook, Instagram) s'est également ouvert récemment à Washington. Le géant des réseaux sociaux est accusé d'avoir acquis Instagram et WhatsApp il y a plus de dix ans pour étouffer toute concurrence potentielle.

Après des années d'enquêtes et de procédures, les régulateurs semblent désormais résolus à transformer significativement le paysage numérique, avec pour objectif de restaurer une concurrence plus équilibrée dans le secteur technologique.