Free-Orange : Prolongation d'itinérance jusqu'en 2028
Prolongation controversée : Free et Orange veulent étendre leur accord d'itinérance jusqu'en 2028, au grand dam de la concurrence.

Free Mobile et Orange viennent de déposer une demande auprès de l'Arcep pour étendre leur accord d'itinérance jusqu'en 2028. Cette nouvelle prolongation, qui concerne spécifiquement l'itinérance voix en 3G, relance les critiques de SFR et Bouygues Télécom qui dénoncent depuis treize ans cette collaboration jugée déloyale. L'enjeu technique reste le même : permettre aux abonnés Free d'utiliser le réseau d'Orange dans les zones où leur opérateur n'a pas déployé sa propre infrastructure.
Un partenariat né de la nécessité
L'histoire débute en 2011, avant même le lancement commercial de Free Mobile. Sans licence 2G et avec un réseau mobile à construire intégralement, Xavier Niel négocie un accord d'itinérance avec Orange pour assurer une couverture nationale dès 2012. Le principe : les clients Free peuvent se connecter automatiquement au réseau 2G et 3G d'Orange quand celui de Free n'est pas disponible.
Cette dépendance coûte cher au départ. Orange encaisse plus d'un milliard d'euros en 2012, puis 800 millions en 2014. Un pactole qui finance indirectement l'arrivée du quatrième opérateur français sur le marché. L'Arcep intervient dès 2016 pour cadrer cette relation en imposant une trajectoire d'extinction progressive et des débits volontairement bridés.
Depuis 2020, l'itinérance Free-Orange plafonne à 384 kbit/s en montant et descendant, soit une connexion comparable au haut débit des années 2000. Cette limitation technique vise à décourager l'usage prolongé de l'itinérance au profit du réseau propre de Free.
Fonctionnement technique et évolution des usages
L'itinérance mobile fonctionne selon un principe d'accord entre opérateurs. Quand un smartphone Free ne capte pas le réseau de son opérateur d'origine, il bascule automatiquement sur celui d'Orange selon des règles prédéfinies. Cette commutation transparente évite les zones blanches mais génère des coûts de gestion et de facturation entre les deux entreprises.
L'usage réel de cette itinérance s'est considérablement réduit. L'Arcep constate qu'elle ne représente plus que 1% du trafic total des clients Free Mobile, contre des niveaux bien supérieurs lors des premières années. Cette baisse s'explique par le déploiement massif du réseau Free : 22 755 antennes en service selon l'ANFR, même si seulement 373 couvrent la 2G contre 20 000 pour chacun des trois autres opérateurs.
La demande de prolongation jusqu'en 2028 coïncide précisément avec le calendrier d'extinction des réseaux legacy. Orange prévoit l'arrêt de sa 2G fin 2025 et de sa 3G fin 2028. Cette synchronisation suggère que Free souhaite maintenir l'itinérance voix jusqu'à la disparition complète de ces technologies anciennes.
Impact concret sur les utilisateurs
Pour les abonnés Free équipés de terminaux anciens, cette prolongation garantit une continuité de service. Les zones rurales ou montagneuses où Free n'a pas encore déployé de couverture 4G/5G suffisante bénéficient particulièrement de cette itinérance résiduelle.
Orange invite d'ailleurs les détenteurs de mobiles 2G à migrer vers la 4G avec des offres dédiées. Cette transition s'avère nécessaire car Free ne pourra pas compenser l'extinction du réseau 2G d'Orange par ses propres infrastructures, faute d'avoir obtenu des fréquences lors de leur attribution initiale.
Les zones urbaines denses restent peu concernées par cette problématique. Free y dispose généralement de sa propre couverture 4G et 5G, rendant l'itinérance anecdotique pour la majorité des usages quotidiens.
Réactions concurrentielles prévisibles
SFR et Bouygues Télécom maintiennent leur opposition historique à ces accords. Arthur Dreyfus de SFR dénonce "un frein aux investissements réseau" tandis que Bouygues estime que "Free n'a aucunement besoin de ce filet de sécurité" treize ans après son lancement.
Ces critiques se heurtent aux chiffres d'investissement de Free Mobile et à la marginalisation progressive de l'itinérance dans son mix technologique. L'Arcep elle-même reconnaît "la dynamique d'investissement de l'opérateur dans son réseau propre 3G/4G/5G".
La bataille judiciaire menée par Bouygues en 2021 pour réclamer 2,3 milliards d'euros de dommages-intérêts s'était soldée par un échec devant le tribunal administratif de Paris. Cette jurisprudence pourrait décourager de nouvelles contestations formelles.
Décision attendue de l'Arcep
L'autorité de régulation dispose d'une grille d'analyse rodée pour évaluer ces demandes. Elle examine l'impact sur les investissements, l'évolution de l'usage, les conditions techniques et financières, ainsi que les effets concurrentiels. La consultation des autres opérateurs, annoncée par l'Arcep, permettra d'entendre les objections avant toute validation.
Le précédent de 2022, où l'Arcep avait validé une prolongation similaire, plaide en faveur de cette nouvelle extension. Le régulateur avait alors conclu qu'il n'apparaissait pas nécessaire de modifier le contrat existant, considérant la faible utilisation résiduelle et les investissements continus de Free.
Cette prolongation jusqu'en 2028 s'inscrit logiquement dans la transition technologique vers les réseaux de nouvelle génération, offrant une période tampon pour finaliser l'extinction coordonnée des technologies 2G et 3G. L'Arcep devrait rendre sa décision après consultation publique, selon la procédure habituelle pour ce type de dossier sensible.
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