Fibre optique : Orange risque 3% de son chiffre d'affaires en sanction
Orange face à l'ARCEP : l'opérateur risque une sanction colossale pour ses retards de déploiement fibre, malgré sa position de leader contesté.
L'Autorité de régulation des communications électroniques (ARCEP) accentue la pression sur Orange en le menaçant d'une nouvelle sanction financière pour ses retards persistants dans le déploiement de la fibre optique. Cette mise en demeure intervient alors que l'opérateur historique peine à honorer son engagement de raccorder sous six mois les logements situés principalement dans les villes moyennes et périphéries d'agglomérations.
Une relation dégradée entre Orange et le régulateur
Le contentieux entre Orange et l'ARCEP s'enlise depuis plusieurs années. En novembre 2023, l'opérateur avait déjà écopé d'une amende record de 26 millions d'euros pour non-respect de ses engagements de déploiement dans les zones AMII (Appel à manifestation d'intention d'investissement), correspondant aux territoires moyennement denses. Orange avait immédiatement contesté cette sanction et saisi le Conseil d'État, la jugeant "totalement disproportionnée".
Après cette première pénalité, un nouvel accord avait été signé entre l'État et Orange en mars 2024. L'opérateur s'engageait notamment à rendre raccordables 1,12 million de logements supplémentaires à fin 2025 et instaurait un "droit au raccordement" permettant à tout foyer d'être fibré sous six mois maximum après en avoir fait la demande.
Pourtant, les chiffres sont implacables : sur 19.757 commandes réalisées entre juin et août 2024, pas moins de 12.279 n'avaient toujours pas été raccordées après les six mois promis. C'est ce constat qui a poussé l'ARCEP à brandir à nouveau la menace d'une sanction pouvant atteindre 3% du chiffre d'affaires d'Orange (5% en cas de récidive).
Un arsenal réglementaire renforcé face aux retards
L'arsenal dont dispose l'ARCEP s'est progressivement étoffé. Le régulateur a notamment publié en avril 2025 une recommandation détaillant les exigences concernant l'obligation de "complétude", qui impose aux opérateurs de fournir un accès effectif à la fibre à tous les logements dans une zone définie.
Cette fermeté s'inscrit dans le cadre du plan France Très Haut Débit, qui vise à couvrir l'intégralité du territoire en fibre optique d'ici 2025, alors que le réseau cuivre historique d'Orange doit être progressivement démantelé d'ici 2030. Aujourd'hui, la France compte 40,6 millions de locaux raccordables à la fibre et 22,975 millions d'abonnements actifs FTTH, témoignant d'une progression importante mais encore insuffisante.
Position dominante d'Orange face à une concurrence plus agile
Malgré ces difficultés réglementaires, Orange conserve en 2025 son statut de leader du déploiement avec plus de 36 millions de prises éligibles à la fibre FTTH, soit plus de 95% des foyers français. L'opérateur historique reste le plus avancé en termes de couverture et d'investissements, avec plus de 13 milliards d'euros injectés dans la fibre.
Cependant, la dynamique du marché évolue rapidement. En termes de progression, Free se distingue avec la plus forte croissance du parc raccordé, devant Bouygues Telecom et SFR, alors qu'Orange progresse moins vite.
La pression concurrentielle s'accentue donc, même si Orange demeure en tête avec plus de 7 millions d'abonnés fibre, loin devant ses concurrents. La proportion d'abonnés fibre est toutefois plus élevée chez SFR (68%), suivi de Free (65%), Bouygues Telecom (64%) et Orange (58%).
Impact territorial et risques pour l'aménagement numérique
Sur le terrain, la situation préoccupe de nombreuses collectivités territoriales. Plusieurs dizaines de milliers de foyers attendent encore leur raccordement à la fibre optique, principalement dans les villes moyennes et les périphéries des grandes agglomérations.
Les associations d'élus locaux, comme l'AMF, l'Avicca, Départements de France et la FNCCR, demandent d'ailleurs une véritable loi pour garantir la "fibre pour tous", estimant que les recommandations actuelles ne suffisent pas. Elles craignent que certains administrés ne puissent bénéficier du très haut débit avant la fermeture programmée du réseau cuivre.
Orange, de son côté, met en avant plusieurs arguments pour expliquer ses difficultés : contraintes techniques pour les zones pavillonnaires isolées ou difficiles d'accès, volume de commandes particulièrement élevé, et investissements massifs déjà consentis en tant que premier investisseur dans le déploiement de la fibre en France.
Entre intérêt général et défis techniques
Si l'ARCEP montre une fermeté indéniable, la question de sa rigidité mérite d'être posée au regard de l'ampleur du chantier. Les objectifs initiaux, jugés trop ambitieux, ont d'ailleurs été revus à la baisse, passant de 100% à 98,5% de taux de couverture en zone AMII.
Pourtant, le déploiement de la fibre optique représente un enjeu d'aménagement du territoire et de souveraineté numérique trop important pour être laissé à la seule appréciation des opérateurs privés.
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