Eutelsat : une dette en orbite, un pari à 1,35 milliard d'euros
Eutelsat Group lance une augmentation de capital de 1,35 Md€ pour réduire sa dette et financer la constellation LEO OneWeb Gen 2.

L'opérateur européen de satellites Eutelsat, désormais fusionné avec le britannique OneWeb, joue une partie décisive. Face à une dette conséquente et à la concurrence féroce de Starlink, le groupe a engagé une augmentation de capital de 1,35 milliard d'euros pour sécuriser son avenir et financer sa prochaine génération de satellites en orbite basse. Une manœuvre cruciale pour transformer son pari technologique en succès commercial.
Apurer les comptes pour mieux viser les étoiles
La fusion avec OneWeb, finalisée en septembre 2023, a laissé des traces dans le bilan du nouvel Eutelsat Group. Pour y voir plus clair, il faut regarder les chiffres : l'opérateur a dévoilé en juin 2025 un projet d'augmentation de capital de 1,35 milliard d'euros, soutenu par ses actionnaires de référence que sont Bpifrance (pour l'État français) et l'indien Bharti Global. L'objectif est double : d'une part, assainir une situation financière tendue et, d'autre part, rassembler les fonds nécessaires au déploiement de la constellation de deuxième génération de OneWeb, prévue pour une mise en service entre 2027 et 2028.
Les derniers résultats annuels publiés en août 2025 pour l'exercice 2024-25 révèlent une perte nette qui s'est fortement creusée, atteignant plus d'un milliard d'euros. Si le chiffre d'affaires des activités LEO (orbite basse) est en forte hausse (+80%), il ne représente encore que 15% des revenus totaux du groupe. La dette reste le point névralgique, et la direction a d'ailleurs suspendu le versement de dividende pour concentrer ses liquidités sur cet effort d'investissement.
La stratégie hybride face au titan Starlink
La raison d'être de cette fusion est la création d'une offre unique combinant les satellites géostationnaires (GEO) d'Eutelsat, à 36 000 km d'altitude, et la constellation en orbite basse (LEO) de OneWeb. La première offre une couverture très large et une grande capacité, idéale pour la diffusion vidéo, tandis que la seconde permet une faible latence et un haut débit, essentiels pour les applications de connectivité en temps réel (internet pour les entreprises, l'aviation, le maritime).
Cette approche hybride est le principal argument de différenciation face à Starlink, la constellation de SpaceX. Alors qu'Elon Musk a massivement investi le marché grand public (B2C), Eutelsat se concentre quasi exclusivement sur les marchés professionnels (B2B) et gouvernementaux. Le groupe a récemment renforcé son partenariat avec Orange pour fournir de la connectivité LEO aux entreprises et pour le backhaul mobile (la liaison des antennes 4G/5G). Des contrats ont également été signés avec des acteurs du secteur maritime et même pour assurer la connectivité du Groenland, démontrant l'intérêt pour cette offre multi-orbites.
Une course technologique et financière à plusieurs inconnues
La réussite du plan d'Eutelsat dépend de sa capacité à exécuter le déploiement de sa constellation "Gen 2" sans dérapage de calendrier ou de budget. Cette nouvelle génération devra apporter des améliorations significatives pour rester pertinente face à un Starlink qui lance des satellites à un rythme effréné et à un troisième acteur, le Projet Kuiper d'Amazon, qui accélère son déploiement.
L'enjeu est également un enjeu de souveraineté. L'investissement de l'État français via Bpifrance vise à garantir à la France et à l'Europe un accès autonome à l'internet par satellite, considéré comme une infrastructure critique, notamment dans le contexte géopolitique actuel. Le succès de cette levée de fonds et la bonne gestion de la dette seront donc scrutés de près. Eutelsat a fait son pari ; il lui reste maintenant à prouver qu'il peut le transformer en une trajectoire rentable et durable.
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