Community Notes arrive sur Facebook et Instagram : la modération se réinvente

Community Notes arrive sur Facebook et Instagram : la modération se réinvente
Photo by Dima Solomin / Unsplash

Meta s'apprête à déployer un nouveau système de vérification participative des informations sur ses principales plateformes. Baptisé "Community Notes", ce dispositif inspiré de X (ex-Twitter) marque un tournant stratégique important dans l'approche de modération du géant des réseaux sociaux.

La fin du fact-checking traditionnel

Depuis janvier 2025, Meta a annoncé l'abandon progressif de son programme de vérification des faits par des tiers, en place depuis 2016. Un virage assumé par Joel Kaplan, directeur des affaires mondiales, qui considérait que les systèmes de modération "de plus en plus complexes" entravaient la liberté d'expression en ligne.

Le nouveau modèle, dont les tests débuteront ce 18 mars sur Facebook, Instagram et Threads, s'inspire directement du système Community Notes (anciennement Birdwatch) déployé par X depuis 2021. L'idée : permettre aux utilisateurs eux-mêmes de contextualiser les publications potentiellement trompeuses, plutôt que de s'appuyer sur des vérificateurs professionnels.

Un système participatif, mais pas à la majorité simple

Community Notes repose sur un mécanisme en deux temps qui va bien au-delà d'un simple vote populaire :

  1. Rédaction de notes : Des contributeurs volontaires peuvent ajouter des annotations limitées à 500 caractères, accompagnées obligatoirement d'un lien vers une source.
  2. Évaluation collective : Ces annotations sont ensuite soumises à l'évaluation d'autres contributeurs qui déterminent leur utilité.

La particularité du système réside dans son algorithme d'approbation : une note ne sera publiée que si elle est jugée utile par des contributeurs qui ont habituellement des opinions divergentes. "Peu importe le nombre de personnes qui s'accordent sur une note, elle ne sera pas diffusée à moins que des utilisateurs qui sont généralement en désaccord ne la trouvent pertinente", précise Meta.

Cette approche vise à réduire les biais partisans en favorisant les notes faisant consensus au-delà des clivages habituels.

Un déploiement progressif et encadré

Pour cette phase initiale, Meta a déjà recruté environ 200 000 contributeurs potentiels aux États-Unis. Le système sera disponible en six langues couramment utilisées dans le pays : anglais, espagnol, chinois, vietnamien, français et portugais.

Pour devenir contributeur, plusieurs critères doivent être remplis :

  • Être majeur
  • Posséder un compte créé depuis plus de 6 mois
  • Utiliser l'authentification à deux facteurs ou disposer d'un numéro de téléphone vérifié

Initialement, les notes resteront anonymes "pour que leur évaluation se fasse sur le contenu et non sur l'identité de leurs auteurs", précise l'entreprise.

Repenser la modération en période politique sensible

Ce changement intervient dans un contexte politique particulier, à l'approche d'une seconde administration Trump. Certains y voient une manœuvre stratégique, alors que Meta a longtemps été critiqué pour sa modération, jugée trop interventionniste par les conservateurs et trop laxiste par les progressistes.

Le fait que Meta adopte une technologie similaire à celle de X, dont le propriétaire Elon Musk devrait jouer un rôle dans la prochaine administration américaine selon certaines sources, n'est probablement pas anodin.

L'entreprise de Mark Zuckerberg a d'ailleurs confirmé qu'elle utiliserait l'algorithme open-source développé par X comme base de son propre système, tout en précisant qu'elle pourrait le faire évoluer avec le temps.

Des avantages potentiels, mais des risques identifiés

Les défenseurs de cette approche mettent en avant plusieurs bénéfices :

  • Une participation communautaire qui responsabilise les utilisateurs
  • Une transparence accrue dans le processus de modération
  • Un système moins bureaucratique et potentiellement plus réactif

Meta insiste particulièrement sur le fait que ce dispositif ajoutera du contexte sans supprimer de contenu ni restreindre sa diffusion.

Cependant, les critiques pointent aussi des faiblesses :

  • L'exigence d'un consensus entre opinions opposées pourrait limiter l'efficacité sur des sujets fortement polarisés
  • Le système reste vulnérable à des manipulations coordonnées, comme l'a souligné Neil Johnson, professeur à l'Université George Washington
  • Fast Company note que "Meta n'a pas réalisé de tests A/B de Community Notes pour évaluer ses performances par rapport à la vérification traditionnelle"

L'aube d'une nouvelle ère pour la modération en ligne ?

Avec plus de 3 milliards d'utilisateurs concernés, ce changement pourrait redéfinir les standards de modération à l'ère numérique. Si l'expérience de X avec son propre système a montré des résultats encourageants à petite échelle, son efficacité sur des plateformes de l'envergure de Facebook reste à démontrer.

Les prochains mois seront cruciaux pour déterminer si cette approche participative permettra effectivement de concilier deux objectifs souvent opposés : préserver la liberté d'expression tout en luttant efficacement contre la désinformation.