Cloud souverain : Bleu franchit sa première étape vers SecNumCloud

La coentreprise Bleu, fruit de l'alliance entre Orange et Capgemini, vient de franchir une étape décisive. Elle a obtenu le jalon 0 (J0) de la qualification SecNumCloud pour son offre cloud souverain basée sur les technologies Microsoft. Cette première validation marque le début officiel du processus de certification auprès de l'ANSSI, dans un contexte où la souveraineté numérique s'impose comme un impératif stratégique face aux tensions géopolitiques croissantes.

Un champion français pour le cloud souverain

Née en 2021 après l'annonce de la doctrine gouvernementale "Cloud au centre", Bleu incarne l'ambition française de concilier deux mondes souvent opposés : l'excellence technologique des solutions Microsoft (Azure et Microsoft 365) et l'exigence de souveraineté imposée par le cadre réglementaire français.

Cette position stratégique s'inscrit dans un marché en pleine effervescence. Selon les prévisions d'IDC, le cloud souverain pourrait atteindre 250 milliards de dollars d'ici 2027, avec une croissance annuelle dépassant 26%. Une manne que les acteurs français entendent bien capter, chacun avec une approche différenciée.

L'originalité de Bleu réside dans son modèle hybride qui associe les technologies éprouvées de Microsoft à une gouvernance et une infrastructure intégralement françaises. Jean Coumaros, président de l'entreprise, résume sans détour la philosophie de Bleu : "SecNumCloud, c'est notre raison d'être – si on ne l'est pas, on n'est pas pertinent."

SecNumCloud : un parcours d'obstacles vers la souveraineté

Le jalon 0 obtenu par Bleu représente l'acceptation formelle par l'ANSSI de sa demande de qualification. Une étape administrative fondamentale qui ouvre la voie à l'instruction approfondie du dossier, mais le chemin reste long jusqu'à la certification finale.

Le référentiel SecNumCloud 3.2 constitue l'un des standards les plus rigoureux au monde en matière de sécurité et de souveraineté des données. Il impose des contraintes techniques, opérationnelles et juridiques drastiques, notamment la protection contre les lois extraterritoriales américaines comme le Cloud Act ou le FISA.

Actuellement, le cercle très fermé des titulaires de cette certification compte seulement quelques noms : Outscale, Cloud Temple, OVHcloud et certains éditeurs comme Cegedim, Oodrive ou Whaller. Scaleway a également annoncé en janvier dernier son entrée dans ce processus, visant une certification fin 2025.

Une infrastructure déjà opérationnelle

Si la qualification complète n'est pas attendue avant 2025, Bleu avance rapidement sur le front opérationnel. Ses premiers services IaaS (Infrastructure as a Service) Azure sont déjà disponibles sur sa plateforme cloud.

L'entreprise a déployé ses équipements de compute et de stockage dans deux datacenters, l'un en région parisienne, l'autre dans le sud de la France. Deux datacenters supplémentaires sont prévus en région parisienne pour proposer trois zones de disponibilité, garantissant ainsi une haute résilience.

Les centres opérationnels de Paris et de Rennes fonctionnent 24h/24 selon les standards de qualité Microsoft. Ces centres gèrent la sécurité, la maintenance matérielle, l'exploitation, la cybersécurité (avec un SOC dédié), les réseaux et le support client en français.

Un enjeu stratégique national

La qualification SecNumCloud s'inscrit dans la stratégie nationale du cloud initiée en 2021 avec la doctrine "Cloud au centre", réaffirmée en 2023 puis formalisée dans la loi "Sécuriser et réguler l'espace numérique" (SREN). Cette politique fait du cloud un prérequis pour tout nouveau projet numérique des services de l'État, avec une exigence renforcée de souveraineté pour les données sensibles.

Pour les administrations, collectivités, hôpitaux et opérateurs d'importance vitale (OIV), l'équation est complexe : comment profiter des meilleures technologies cloud sans compromettre la sécurité et la souveraineté des données ? C'est précisément le défi que Bleu tente de relever en alliant technologies Microsoft et gouvernance française.

Cette approche suscite néanmoins des débats, certains experts questionnant la compatibilité entre l'utilisation de technologies américaines et une véritable souveraineté numérique. Le récent retour au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis et le possible renforcement des lois extraterritoriales américaines accentuent ces interrogations.

Une concurrence qui s'intensifie

Le marché français du cloud souverain connaît une effervescence sans précédent. Outre Bleu, d'autres initiatives se positionnent sur ce segment stratégique :

• NumSpot (Docaposte, Dassault Systèmes, Banque des Territoires et Bouygues Telecom) a récemment annoncé le lancement de sa plateforme souveraine et l'obtention du jalon J1 de la qualification SecNumCloud.
• S3ENS, partenariat entre Thales et Google Cloud, poursuit également sa route vers la certification.
• Scaleway vise une qualification complète d'ici fin 2025.

Pour les DSI et RSSI des organisations concernées, l'enjeu est désormais d'évaluer ces différentes offres au regard de leurs besoins spécifiques, en considérant non seulement les aspects techniques et économiques, mais aussi les garanties juridiques en matière de souveraineté.

Une première étape significative

Le franchissement du jalon 0 par Bleu marque le début officiel d'un processus de qualification qui s'étendra encore sur plusieurs mois. Dans un environnement où la souveraineté numérique devient un enjeu critique, cette avancée constitue un signal fort pour le marché français du cloud.

Les organisations publiques et privées disposent désormais d'une visibilité accrue sur cette offre qui ambitionne de conjuguer le meilleur des technologies Microsoft avec la rigueur du cadre réglementaire français SecNumCloud.

Pour plus d'informations sur l'offre cloud souverain de Bleu, vous pouvez consulter leur site officiel.