Broadcom secoue VMware : quand les licences explosent de 1500%

Broadcom fait exploser les prix VMware : +1500% ! L'Europe se mobilise contre les nouvelles licences d'abonnement obligatoires.

Broadcom secoue VMware : quand les licences explosent de 1500%

L'écosystème technologique européen vit actuellement un séisme majeur. Depuis que Broadcom a mis la main sur VMware en novembre 2023, les tarifs s'envolent et les entreprises européennes crient au scandale. L'Observatoire européen de la concurrence dans le cloud (ECCO) tire la sonnette d'alarme : certaines hausses atteignent 1500%, transformant des factures prévisibles en gouffres financiers.

Une acquisition à 69 milliards qui change la donne

L'histoire commence en mai 2022 quand Broadcom, géant américain des semi-conducteurs, jette son dévolu sur VMware. Montant de l'opération : 69 milliards de dollars, soit l'une des plus grosses acquisitions technologiques de la décennie. Après 18 mois de négociations acharnées avec les régulateurs du monde entier, l'affaire se conclut en novembre 2023.

Broadcom n'en est pas à son coup d'essai dans le rachat d'entreprises logicielles. Après avoir croqué CA Technologies en 2018 et Symantec en 2019, le groupe californien poursuit sa stratégie de diversification vers le logiciel d'entreprise. L'objectif affiché pour VMware : doubler l'EBITDA dans les trois ans. Un pari ambitieux qui allait bouleverser tout un marché.

Le grand chambardement des licences

Broadcom frappe fort dès la prise de contrôle. Exit les licences perpétuelles que les entreprises achetaient une fois pour toutes. Place aux abonnements obligatoires avec engagement minimal de trois ans. Fini aussi le modèle souple "pay-as-you-go" mensuel, remplacé par des forfaits tout-compris non négociables.

Concrètement, les clients doivent désormais acheter des bouquets entiers VMware Cloud Foundation ou VMware vSphere Foundation, même s'ils n'utilisent qu'une poignée de fonctionnalités. L'ECCO compare cette approche à un fournisseur d'électricité qui facturerait comme si le chauffage tournait 24h/24 à pleine puissance, peu importe la consommation réelle.

Cette stratégie du "tout ou rien" vise à maximiser les revenus par client, quitte à imposer des services non désirés. Un changement radical pour un marché habitué à plus de flexibilité.

Quand la facture devient vertigineuse

Les chiffres donnent le vertige. Les membres de CISPE, association des fournisseurs cloud européens, rapportent des augmentations tarifaires comprises entre 800% et 1500%. L'opérateur américain AT&T a vu sa facture VMware bondir de 1050%. De quoi faire chanceler même les plus solides budgets informatiques.

Francisco Mingorance, secrétaire général de CISPE, ne mâche pas ses mots : "Contrairement à Microsoft, Broadcom ne montre aucun intérêt à trouver des solutions ou même à collaborer avec les fournisseurs d'infrastructure cloud européens." Un constat amer qui illustre le rapport de force déséquilibré entre le géant américain et ses clients européens.

Face à ces hausses brutales, les entreprises se retrouvent piégées. Migrer vers d'autres solutions de virtualisation demande des mois, voire des années de préparation. Broadcom le sait et en profite.

L'Europe se mobilise face au géant américain

La colère européenne s'organise. L'association allemande VOICE a déposé une plainte formelle auprès de la Commission européenne, rejointe par les organisations belges (Beltug), françaises (Cigref) et néerlandaises dans une lettre ouverte cinglante.

L'ECCO formule plusieurs exigences : un préavis minimal de six mois avant tout changement contractuel, une tarification flexible reflétant l'usage réel, et la possibilité pour les fournisseurs cloud d'agir comme revendeurs et prestataires. L'organisme réclame surtout une intervention réglementaire d'urgence pour rééquilibrer ce marché critique.

De son côté, Broadcom campe sur ses positions. Le groupe met en avant son partenariat avec plus de 140 fournisseurs de services cloud européens et sa contribution aux objectifs de cloud souverain de l'Union européenne. Le PDG Hock Tan justifie ces changements par la nécessité de simplifier l'offre face à la complexité croissante du cloud public.

Pourtant, une seule réunion entre CISPE et Broadcom a eu lieu depuis l'acquisition, sans déboucher sur le moindre progrès concret. Pire, Broadcom aurait menacé juridiquement certains clients utilisant encore d'anciennes licences.

L'enjeu de la souveraineté technologique européenne

Cette controverse dépasse la simple querelle tarifaire. Elle révèle la dépendance critique de l'Europe envers les technologies américaines et l'urgence de développer des alternatives viables. VMware équipe des millions de serveurs européens ; sa virtualisation fait tourner une part importante de l'économie numérique du continent.

L'intervention des régulateurs européens pourrait marquer un tournant dans cette bataille asymétrique entre géants technologiques américains et entreprises européennes. L'issue de ce bras de fer déterminera aussi la crédibilité des ambitions européennes en matière de souveraineté numérique.

Pour suivre l'évolution de cette affaire qui redéfinit les rapports de force dans la tech européenne, l'association CISPE publie régulièrement les derniers rapports de l'ECCO sur cette bataille des licences.