Apple conteste l'amende de 500 millions d'euros : bras de fer avec l'UE sur le Digital Markets Act
Apple conteste l'amende record de 500M€ imposée par l'UE pour pratiques anti-concurrentielles dans l'App Store, rejetant une interprétation jugée excessive du DMA sur le "steering".

Apple a officiellement déposé un recours contre l'amende record de 500 millions d'euros imposée par la Commission européenne. Ce lundi 7 juillet 2025, le géant californien a saisi le Tribunal de l'Union européenne, marquant une nouvelle étape dans le conflit qui l'oppose à Bruxelles sur la régulation des marchés numériques.
Aux origines du conflit
Le Digital Markets Act (DMA), entré en vigueur en novembre 2022 et devenu applicable en mai 2023, vise à établir un cadre de concurrence équitable dans l'écosystème numérique européen. Cette législation, spécifiquement conçue pour réguler les grandes plateformes désignées comme "contrôleurs d'accès" (gatekeepers), impose des obligations strictes à ces entreprises, dont Apple fait partie depuis septembre 2023 pour ses services iOS, App Store et Safari.
Au cœur du litige se trouve l'article 5 du DMA, qui interdit les pratiques dites d'"anti-steering". Ces restrictions empêchaient les développeurs d'applications d'informer leurs utilisateurs de la possibilité d'acheter des biens ou services à moindre coût en dehors de l'App Store, ou de les rediriger vers ces alternatives externes.
Le mécanisme de l'amende et ses implications
En avril 2025, après une enquête approfondie, la Commission européenne a conclu qu'Apple n'avait pas respecté ses obligations anti-steering, imposant des barrières techniques et commerciales qui limitaient la liberté des développeurs. L'amende de 500 millions d'euros a été calculée en fonction de la gravité et de la durée de cette non-conformité.
Pour les développeurs d'applications, l'enjeu est considérable. L'obligation de passer par le système de paiement d'Apple, avec sa commission pouvant atteindre 30%, a longtemps été critiquée comme un frein à l'innovation et à la concurrence. Spotify, à l'origine de la plainte initiale, et d'autres services de streaming, jeux vidéo ou médias, voient dans cette décision l'opportunité de réduire leur dépendance vis-à-vis d'Apple et d'optimiser leur modèle économique.
Pour les consommateurs européens, cette évolution pourrait se traduire par une baisse des prix et une diversification des offres, les développeurs pouvant désormais communiquer librement sur des alternatives moins coûteuses hors de l'écosystème Apple.
La position d'Apple et ses ajustements
Face à cette pression réglementaire, Apple a procédé à des modifications de ses règles en juin dernier, autorisant de manière limitée le "steering" et permettant aux développeurs de proposer des méthodes de paiement alternatives. L'entreprise a également introduit un nouveau barème de frais pour ces transactions.
Dans son recours, Apple affirme que la décision de la Commission "va bien au-delà de ce que la loi requiert" et critique une approche qui imposerait "des conditions commerciales sources de confusion pour les développeurs et néfastes pour les utilisateurs". La firme maintient avoir déjà mis en œuvre les changements nécessaires pour se conformer aux exigences du DMA, tout en préservant l'intégrité et la sécurité de son écosystème.
Le géant technologique soutient également que la Commission a continuellement redéfini la notion de "steering", élargissant progressivement son interprétation pour inclure la promotion d'options de paiement alternatives au sein des applications, les "webviews" intégrées, ainsi que les liens vers d'autres places de marché d'applications.
Un enjeu qui dépasse Apple
Cette affaire s'inscrit dans un contexte plus large de régulation des géants du numérique en Europe. Meta (Facebook) a également été sanctionné à hauteur de 200 millions d'euros pour non-respect du DMA concernant l'utilisation des données personnelles, tandis que Google fait l'objet d'enquêtes similaires.
La Commission européenne, sous l'impulsion de sa vice-présidente exécutive Teresa Ribera, affirme que ces décisions "envoient un message fort et clair" sur sa détermination à faire respecter le DMA. L'institution considère cette législation comme "un instrument essentiel pour libérer le potentiel, la liberté de choix et la croissance" dans le secteur numérique européen.
Ce bras de fer juridique pourrait s'étendre sur plusieurs années, le Tribunal de l'Union européenne devant maintenant examiner les arguments d'Apple. L'issue de ce litige aura des répercussions considérables sur l'équilibre des pouvoirs entre les plateformes technologiques et les régulateurs, ainsi que sur le modèle économique des places de marché d'applications.
Une décision cruciale pour l'avenir numérique européen
L'affrontement entre Apple et la Commission européenne cristallise les tensions entre innovation technologique et régulation économique. D'un côté, Apple défend un modèle intégré qui, selon elle, garantit sécurité et simplicité aux utilisateurs. De l'autre, Bruxelles promeut un marché ouvert où développeurs et consommateurs bénéficient d'une liberté de choix accrue.
La décision finale du Tribunal aura valeur de précédent pour l'application du DMA et pourrait redéfinir durablement les règles du jeu dans l'économie numérique européenne, influençant potentiellement d'autres juridictions à travers le monde.
Pour plus d'informations sur le Digital Markets Act, vous pouvez consulter le site officiel de la Commission européenne.
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