Amazon banni du Parlement européen : le géant tech sanctionné
Amazon privé d'accès au Parlement européen après avoir ignoré les auditions sur ses pratiques managériales algorithmiques et conditions de travail dans ses entrepôts.

Le Parlement européen vient de prendre une mesure rare et significative en révoquant les badges d'accès des représentants d'Amazon à ses locaux. Cette exclusion, effective depuis fin février 2025, sanctionne le refus persistant du géant américain de participer aux auditions sur les conditions de travail dans ses entrepôts européens.
Une escalade sans précédent depuis Monsanto
Cette décision marque seulement la deuxième fois en sept ans que le Parlement européen prend une telle mesure, après l'exclusion de Monsanto en 2017. La commission de l'Emploi et des Affaires sociales (EMPL) avait multiplié les invitations auprès d'Amazon pour discuter des pratiques de management algorithmique et des conditions de travail dans ses centres logistiques, notamment en Allemagne et en Pologne.
Face aux annulations répétées, aux réponses écrites jugées insuffisantes et à l'envoi de représentants sans pouvoir décisionnel, la patience des eurodéputés a fini par atteindre ses limites. Dragos Pîslaru, président de la commission EMPL, a formalisé cette exclusion après avoir constaté l'impossibilité d'établir un dialogue transparent avec le géant de l'e-commerce.
Management algorithmique sous surveillance
Au cœur des préoccupations des législateurs européens : l'utilisation controversée d'algorithmes pour superviser les salariés dans les entrepôts. Ces systèmes automatisés, qui établissent des objectifs de productivité et suivent les performances en temps réel, suscitent des inquiétudes quant à leurs impacts sur les conditions de travail et la santé des employés.
Les eurodéputés souhaitaient notamment interroger Amazon sur les mécanismes de surveillance numérique, les quotas imposés aux travailleurs et les systèmes automatisés d'évaluation. Des pratiques qui, selon plusieurs syndicats européens, contribueraient à un environnement de travail excessivement stressant et physiquement éprouvant.
La réponse syndicale s'organise
Cette décision institutionnelle s'inscrit dans un mouvement plus large. Un collectif de 34 organisations syndicales et de la société civile avait soutenu cette demande de sanction, sous l'égide de la campagne internationale "Make Amazon Pay". Cette coalition réclame des améliorations concrètes sur trois fronts : revalorisation des salaires, respect des droits syndicaux et transparence fiscale.
Amazon a réagi en exprimant sa "déception", affirmant collaborer régulièrement avec les institutions européennes sur d'autres sujets. L'entreprise maintient son engagement à "travailler de manière constructive avec les décideurs politiques", mais cette position peine à convaincre face au refus répété de participer aux auditions spécifiques sur les conditions de travail.
Les eurodéputés changent de stratégie
Privés de la possibilité d'entendre directement les représentants d'Amazon, les législateurs européens ont décidé d'inverser l'approche. Une initiative coordonnée par UNI Europa a permis à plusieurs eurodéputés de se rendre directement dans différents pays pour rencontrer les salariés et les représentants syndicaux d'Amazon.
Cette démarche de terrain vise à recueillir des témoignages directs sur les réalités du travail dans les entrepôts et à maintenir la pression sur l'entreprise. Pour les législateurs, il s'agit aussi de signaler que le respect des normes sociales européennes n'est pas négociable, même pour les géants technologiques.
Une réintégration sous conditions
En octobre 2024, Amazon avait tenté de renouer le dialogue par courrier, mais les parlementaires ont fixé des conditions strictes pour lever la sanction : participation à une audition publique et ouverture des entrepôts aux missions d'enquête parlementaire.
Pour l'instant, la balle reste dans le camp du géant américain. Cette confrontation pose une question fondamentale : jusqu'où les grandes entreprises technologiques peuvent-elles définir leurs propres règles face aux institutions démocratiques européennes?
L'affaire dépasse largement le cadre d'un simple différend administratif pour s'imposer comme un test crucial du pouvoir de régulation européen face aux géants de la tech. Pour Amazon, dont le modèle d'affaires repose sur une logistique ultra-optimisée, les implications pourraient être considérables si d'autres institutions emboîtaient le pas au Parlement.
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