Altice Portugal supprime cinq filiales dans l'urgence financière
Altice Portugal supprime 5 filiales après l'affaire Pereira. MEO en vente à 10Md€, Patrick Drahi cède ses actifs face à la crise financière.

Altice Portugal procède à une restructuration majeure en supprimant cinq sociétés de son périmètre et en transférant leurs 1 500 salariés vers MEO. Cette opération survient après l'homologation judiciaire du plan de restructuration de dette d'Altice France (8,6 milliards d'euros d'allégement) et s'inscrit dans la stratégie de survie d'un groupe aux abois financiers.
L'ombre du scandale de corruption
Altice avait développé au Portugal une structure organisationnelle éclatée entre plusieurs filiales spécialisées, mais les événements de juillet 2023 ont tout changé : l'arrestation d'Armando Pereira, cofondateur et bras droit de Patrick Drahi, pour corruption et blanchiment d'argent au Portugal. Poursuivi avec quatre autres personnes et assigné à résidence, Pereira est soupçonné de 11 délits dans le cadre de l'"opération Picoas", accusé d'avoir mis en place un réseau de fournisseurs douteux par lesquels il aurait prélevé des sommes importantes.
Les cinq entités concernées par la dissolution sont Blueclip, PT Prestações, PT Contact (62 salariés), PT Sales (111 salariés) et MEO – Serviços Técnicos de Redes (1 276 salariés). Cette simplification organisationnelle intervient alors qu'Altice doit 1,3 milliard d'euros à Armando Pereira selon des documents internes, une créance qui complique la situation financière du groupe.
La maison mère portugaise conserve néanmoins ses activités stratégiques : Altice Labs (R&D), MEO Energia, PT Data Center, Intelcia Portugal et Altice Pay restent des entités distinctes.
Une fusion-absorption automatique
Le processus juridique choisi est la fusion-absorption, qui transfère automatiquement tous les contrats de travail vers MEO. Cette procédure ne nécessite pas d'accord individuel des salariés, bien que le Code du travail portugais leur accorde un droit d'opposition.
Les activités concernées couvrent l'ensemble de la chaîne opérationnelle : services techniques réseau, centres d'appels, fonctions commerciales et maintenance terrain. Cette consolidation vise à unifier les systèmes d'information (OSS/BSS), réduire les interfaces entre services et accélérer les prises de décision.
MEO ST, qui assurait la maintenance du réseau fixe et mobile, représente l'enjeu principal avec ses 1 276 techniciens désormais directement rattachés à la marque MEO.
Applications concrètes et gains attendus
La centralisation sous MEO promet plusieurs avantages opérationnels. Le Network Operations Center (NOC) pourra mieux prioriser les interventions réseau grâce à une chaîne de commandement simplifiée. Les achats groupés d'équipements (CPE, terminaux, composants réseau) renforcent le pouvoir de négociation avec les fournisseurs.
Du côté relation client, l'intégration de PT Contact facilite l'approche omnicanale en unifiant les parcours digitaux (application mobile, centres d'appels, chatbots). Les délais de mise sur le marché de nouveaux services se trouvent raccourcis par l'élimination des validations inter-filiales.
Cette restructuration intervient alors qu'Altice Portugal mène parallèlement un programme de départs volontaires ayant recueilli environ 800 candidatures fin juillet 2025, s'ajoutant à 200 départs déjà actés. Selon Bloomberg, le groupe supprime environ 1 000 postes (16% des effectifs), officiellement pour s'adapter à l'intelligence artificielle, mais la réalité financière semble déterminante.
Vente de MEO : l'hypothèse qui pèse sur la restructuration
Depuis fin 2023, Patrick Drahi tente activement de vendre MEO pour 10 milliards d'euros via la banque Lazard, incluant FastFiber (évaluée 5 milliards d'euros). Ce prix, jugé dix fois supérieur à l'excédent brut d'exploitation prévu en 2023, fait fuir les acheteurs potentiels. Xavier Niel et sa holding Iliad se seraient montrés intéressés, mais aucune négociation officielle n'a abouti.
Défis et points de vigilance : l'étau financier se resserre
La migration des systèmes d'information constitue le principal risque opérationnel. La fusion d'annuaires, des systèmes de paie, des ERP et des outils de gestion RH nécessite une coordination minutieuse pour éviter les interruptions de service.
Plus préoccupant, la suppression d'environ 1 000 postes pourrait impacter durablement la qualité de service. L'entreprise mise sur l'intelligence artificielle et l'automatisation pour compenser cette réduction d'effectifs, mais la gouvernance de ces technologies soulève des questions de conformité RGPD cruciales dans les télécommunications.
L'opération s'effectue dans un contexte financier dramatique pour l'ensemble du groupe Altice. La dette cumulée atteignait près de 70 milliards d'euros selon les "DrahiLeaks", contraignant Patrick Drahi à multiplier les cessions : BFM TV et RMC vendues à Rodolphe Saadé, participation dans BT cédée à Bharti Airtel pour 3,5 milliards d'euros, Teads vendue 1 milliard de dollars.
Cette course contre la montre intervient alors que les créanciers, menés par BlackRock et Pimco, ont obtenu 45% du capital d'Altice France en échange de l'effacement de 8,6 milliards d'euros de dette. Patrick Drahi, qui clamait en 2016 "dormir mieux avec ses 50 milliards de dettes", voit son empire se désagréger progressivement.
MEO pourrait être le prochain actif sacrifié si la vente se concrétise, mettant fin à la présence d'Altice sur le marché portugais des télécommunications. L'opérateur reste leader de la télévision payante (41% de parts de marché) mais accuse un retard significatif en 5G avec seulement 1 337 stations de base (17% du total national).
Altice Portugal consolide ainsi son organisation autour de MEO pour réduire ses coûts structurels et clarifier son périmètre d'activité, mais cette rationalisation pourrait précéder une vente pure et simple de l'actif portugais dans les mois à venir.
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