Alphabet rachète Wiz : 32 Mds $ pour dominer la cybersécurité cloud

Alphabet a frappé un grand coup en officialisant l'acquisition de Wiz pour 32 milliards de dollars, marquant la plus importante transaction financière de l'histoire du géant technologique. Ce rachat, entièrement en numéraire, propulse la maison-mère de Google au premier plan du secteur de la cybersécurité cloud, à l'heure où les cyberattaques se multiplient.
Une seconde tentative couronnée de succès
L'accord survient après un premier échec en juillet 2024, quand Wiz avait décliné une offre de 23 milliards de dollars. La startup israélienne privilégiait alors l'introduction en bourse et s'inquiétait des obstacles réglementaires potentiels. Pour relancer les négociations, Alphabet a dû surenchérir de près de 9 milliards, illustrant la valeur stratégique extraordinaire qu'elle accorde à cette pépite technologique.
Fondée en 2020 par Assaf Rappaport et trois anciens cadres de Microsoft, Wiz s'est imposée en un temps record comme référence dans la sécurité des environnements cloud. Sa dernière valorisation s'établissait à 12 milliards de dollars lors d'un tour de table privé en mai 2024 – signe de la prime substantielle qu'Alphabet a accepté de payer.
Un bouleversement dans l'échiquier du cloud
Cette acquisition transforme radicalement la position de Google Cloud, actuellement troisième acteur du marché avec 12% de parts derrière AWS (30%) et Microsoft Azure (21%). L'opération dépasse largement le simple renforcement technologique : elle redessine les contours d'un marché en pleine consolidation.
Neil MacDonald, analyste chez Gartner, souligne que "l'activité de sécurité d'entreprise de Google ne représente qu'une fraction de celle de Microsoft", mais cette acquisition le positionne désormais comme "un rival beaucoup plus crédible". Ce repositionnement intervient à un moment où l'essor de l'intelligence artificielle accroît les besoins en infrastructures cloud sécurisées.
Cette prise de contrôle s'inscrit dans une stratégie plus large d'Alphabet, qui avait déjà acquis Mandiant en 2022 pour 5,4 milliards de dollars, renforçant considérablement sa proposition de valeur auprès des entreprises.
L'atout maître : une technologie multi-cloud unique
La particularité de Wiz réside dans sa capacité à sécuriser efficacement les environnements cloud de différents fournisseurs, y compris ceux des principaux concurrents de Google. Cette position unique transforme Alphabet en "acteur clé dans la protection des services clouds de ses concurrents" – une situation inédite dans le secteur.
Les solutions développées par Wiz se distinguent par leur capacité à détecter et neutraliser les menaces en temps réel grâce à l'intelligence artificielle. Sa technologie de surveillance continue et d'analyse comportementale des risques séduit déjà la moitié des entreprises du Fortune 100, dont Morgan Stanley, BMW et LVMH.
Pour rassurer le marché, Thomas Kurian, PDG de Google Cloud, a précisé que "les produits de Wiz continueront d'être disponibles sur tous les grands services cloud, notamment AWS et Azure". Cette promesse vise à apaiser les inquiétudes des clients actuels, mais aussi à prévenir d'éventuelles objections des autorités de régulation.
Un catalyseur de consolidation du secteur
Selon les experts, cette acquisition déclenchera probablement une vague de consolidation dans le secteur. Andras Cser, analyste principal chez Forrester, affirme que les concurrents comme AWS devront réagir : "Si AWS veut maintenir sa position dans l'infrastructure cloud, elle doit renforcer son CNAPP multi-cloud et, en général, ses offres de sécurité cloud".
Pour les acteurs spécialisés de taille moyenne, cette transaction représente à la fois une menace et une opportunité. D'un côté, ils pourraient devenir des cibles d'acquisition attractives, mais de l'autre, ils risquent de voir leur espace concurrentiel se réduire face aux offres intégrées des géants technologiques.
Des obstacles réglementaires en perspective
Malgré l'enthousiasme d'Alphabet, cette acquisition devra franchir d'importants obstacles réglementaires. La Federal Trade Commission (FTC) prévoit d'examiner cette transaction de près, dans un contexte où Google fait déjà l'objet de poursuites antitrust concernant son moteur de recherche et ses activités publicitaires.
Le récent changement à la tête de la FTC, avec le remplacement de Lina Khan par Andrew Ferguson, pourrait toutefois faciliter l'approbation. Selon Dan Ives de Wedbush Securities, "Lina Khan partie, les fusions et acquisitions dans le numérique peuvent redémarrer, après une période noire pour les gros acteurs de la tech".
Pour se prémunir contre un refus des autorités, Wiz aurait consenti à une indemnité de rupture exceptionnelle dépassant 3,2 milliards de dollars, l'une des plus importantes de l'histoire des fusions-acquisitions.
Un pari coûteux aux conséquences incertaines
L'annonce a provoqué une réaction mitigée à Wall Street, avec une chute de près de 3% du cours d'Alphabet le jour de l'annonce. Dave Wagner, gestionnaire de portefeuille chez Aptus Capital Advisors, a souligné que "les investisseurs examineront probablement cette acquisition de près, étant donné les défis historiques d'Alphabet en matière d'allocation de capital".
Alphabet prévoit de finaliser cette acquisition d'ici 2026, sous réserve des approbations réglementaires. L'intégration de Wiz dans l'écosystème Google Cloud constitue un défi de taille, tant sur le plan culturel qu'organisationnel.
Cette opération transformera profondément le paysage de la cybersécurité cloud. L'avenir dira si ces 32 milliards auront permis au géant de Mountain View de combler son retard sur Microsoft, qui revendique plus de 20 milliards de dollars de revenus annuels dans le secteur de la sécurité.
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