6G : vers une révolution logicielle plutôt que matérielle
La 6G repensée : NGMN propose une approche évolutive centrée sur le logiciel, remettant en question le modèle traditionnel des générations mobiles pour une transition plus durable et économique.

L'alliance NGMN vient de bouleverser la vision traditionnelle des réseaux mobiles. Dans un document stratégique publié récemment, cette organisation influente préconise une approche radicalement différente pour la 6G : privilégier l'évolution logicielle continue plutôt qu'un renouvellement complet des infrastructures. Un changement de paradigme qui pourrait redéfinir l'avenir des télécommunications.
Les racines d'une transformation
Fondée en 2006 par les principaux opérateurs mondiaux, l'alliance NGMN s'est imposée comme un acteur décisif dans l'orientation des standards de télécommunications. Son influence sur l'adoption massive de la 4G et de la 5G lui confère aujourd'hui une légitimité considérable auprès des organismes de normalisation comme le 3GPP.
La publication "6G Key Messages – An Operator View" consolide plusieurs années de réflexion et s'inscrit dans la continuité du "6G Position Statement" de 2023. Cette vision est portée par plus de 50 entreprises collaborant activement sur l'architecture des réseaux du futur.
Le logiciel comme moteur d'innovation
Au cœur de cette proposition se trouve une transformation fondamentale du modèle d'évolution des réseaux. Laurent Leboucher, président du conseil d'administration de NGMN et directeur technique d'Orange, résume parfaitement cette vision : "L'industrie doit dépasser les cycles synchronisés matériel/logiciel des 'G' et adopter des feuilles de route découplées."
Cette approche "software-defined" distingue deux trajectoires d'évolution parallèles : d'un côté, une évolution matérielle guidée par des investissements durables et créateurs de valeur; de l'autre, une évolution logicielle plus rapide, pilotée par la demande du marché et le développement de nouvelles capacités.
Les réseaux définis par logiciel offrent une flexibilité incomparable, réduisent les coûts d'équipement et permettent des mises à jour sans remplacement matériel systématique. Une rupture avec le modèle historique des transitions générationnelles complètes.
Face aux défis techniques et économiques
Les fréquences envisagées pour la 6G, potentiellement jusqu'aux bandes térahertz, posent d'immenses défis de propagation et de couverture. L'alliance préconise donc une évolution principalement logicielle dans les bandes existantes, limitant le déploiement de nouveaux équipements radio aux seules nouvelles bandes de fréquences.
Cette stratégie répond également aux préoccupations environnementales croissantes. Les opérateurs font face à une double contrainte : réduire leur empreinte carbone tout en gérant l'explosion du trafic de données. L'approche évolutionnaire permettrait de limiter significativement les investissements énergétiques liés au renouvellement massif des infrastructures.
Un calendrier précis se dessine
Le timing de cette publication coïncide avec les travaux du 3GPP sur la 6G. L'organisme de standardisation a établi un calendrier structuré : la Release 20 sera dédiée aux études préliminaires, tandis que la Release 21 portera sur les spécifications normatives. Les premières propositions techniques pour l'IMT-2030 (désignation officielle de la 6G) sont attendues début 2029.
La Release 20 adopte une approche à deux volets : le Rel-20_5GA pour la 5G-Advanced et le Rel-20_6G pour les études préliminaires 6G. Les travaux techniques sur l'interface radio et l'architecture du cœur de réseau 6G débuteront en juin 2025 au sein des groupes RAN et SA.
Retours d'expérience et applications concrètes
Les opérateurs membres de NGMN mettent en avant plusieurs cas d'usage justifiant cette approche évolutionnaire. Luke Ibbetson de Vodafone souligne que "l'évolution des réseaux est essentielle pour répondre aux besoins sociétaux en constante évolution". Les réseaux futurs doivent concilier sécurité, respect de l'environnement et viabilité économique.
L'expérience de la 5G a révélé les limites d'une approche trop complexe. NGMN insiste pour que les standards 6G tirent les leçons du passé, notamment concernant la multiplication des options d'architecture, les fonctionnalités jamais utilisées et les cas d'usage sans demande réelle du marché.
Plusieurs technologies candidates pour la 6G émergent déjà : systèmes radio terrestres mobiles entre 7-16 GHz, intelligence artificielle native dans l'architecture réseau, et réseaux de détection et communication intégrés (ISAC). Autant de pistes qui pourraient se développer dans un cadre d'évolution continue plutôt que de révolution technologique.
Cette vision de la 6G pourrait bien redéfinir l'approche de toute l'industrie face aux prochaines générations de réseaux mobiles. L'influence historique de NGMN sur les standards précédents laisse présager un impact significatif sur les orientations futures du 3GPP.
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